Le gros ne calcule plus, il ne veut pas savoir.
Il est ce qu’il est,
il sait compter le nombre de fruits, de légumes,
de fromages que les clients ne comptent
pas tellement ils ont bons. Ici tout le monde travaille à l’œil,
pas pour lire les étiquettes,
mais les yeux indiquent à l’odorat,
l’ouïe enfin au touché la direction à prendre.
L’œil repère le rouge ardent
des premières tomates surprises de se trouver là,
les rayures des mini-courgette,
le luisant des aubergines.
Pour la verveine et le basilic,
c’est l’odorat qui prend la barre
et fait tourner l’œil dans leurs directions.
Le velours des fraises, le vernis des poivrons,
même les pommes de terres qui jouent la discrétion
sont repérées pour la délicatesse de leur peau,
idem pour l’ail et les oignons nouveaux
à la première peau de nacre.
Un peu en retrait à l’abri derrière une paroi vitrée,
des fromages attendent au frais les plus jeunes en haut,
les moyens au milieu, les plus vieux en bas
et tout en haut dans des pots en verres
les yogourts attendent d’être dévoré sous 25 jours,
ils le seront dans les trois
impossible d’attendre plus longtemps.
Le chef calcule pour le gros la monnaie à rendre,
ce dernier stoppe sa respiration pour arrondir les yeux,
témoignage d’un effort d’intense
concentration pourtant vaine.
Les clients repartent chargés de cartons,
de sacs en papiers, paniers.
Ils regagnent leur voiture se frayant
un passage au milieu des oies, chiens, chats, chèvres
les papilles déjà en alerte anticipant
les saveurs attendues qui jailliront
des assiettes cuisinées avec une attention extrême
prévoyant de revenir dans les trois jours
quand les pots en verres des yogourts seront vides.
Comments