Les serveurs, tous joliment habillés en pingouin,
dansent sur la banquise du Flore.
Ils observent tout autant qu’ils le sont
avec une discrétion extrême,
sans jamais croiser le regard
de celui de la clientèle cosmopolite qu’accueille
cet endroit toujours mythique,
sauf lors de la commande et de l’addition.
Les touristes s’enfilent des soupes à l’oignon
dès 9h00 du matin, grâce ou à cause
des recommandations du guide touristique
le plus prestigieux de leur pays d'origine.
Des « influenceuses » se rêvent
en autant de Marylin, coiffées, manucurées,
décorées pour se filmer en train
d’engouffrer un croissant tout en entier,
à s'en décrocher la mâchoire, au sens propre,
ou de diffuser des images avec un cadrage soigné du pot,
de la tasse, ou de n’importe quel appareillage,
à condition d'être estampillé de l’étiquette du dit café,
l’étiquette prévalant sur le contenu. (cf H. Bergson).
Certains habitués, passent leur commande
avec ce ton totalement parisien,
et parlent fort avec leur rendez-vous, cependant,
leur agilité verbale peine à masquer le vide
contenu dans cette suite de banalités
débitée à très grande vitesse.
Il ne s’agit pas d’une conversation,
seulement de deux joueurs
qui font des balles contre un mur,
pleinement satisfait quand ce qu’ils ont envoyé
revient avec une apparente vivacité.
Aucune porosité entre ces deux esprits
pourtant vifs, mais dont le sens
les a abandonnés depuis longtemps.
Il s’agit par la seule description de leurs activités,
des noms cités, et surtout des anecdotes
glissées entre deux phrases,
de laisser sous-entendre une complicité,
voire d’une amitié avec les sus cité.
Alors dans l’œil de l’autre, on distingue
qu’il n’est qu’un ramasseur de balles
et celui qui a envoyé y trouve le sourire du vainqueur.
Il y a aussi, les amoureux, les provinciaux
et bien d’autres sans compter le personnel
lui-même qui font que ce lieu traverse
les années sans anicroches,
revêtu de cette patine irremplaçable
et sans prix, du temps qui dure.
Bienvenu à Paris.
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