Tous les lundis matin, Monsieur Edouardo
ouvrait spécialement son salon de coiffure
pour le Docteur Raymond.
Invariablement entre 8h15 et 8h17, le son de ses petits pas
aux chaussures de randonnée au caoutchouc
trop épais envahissait la rue.
Il poussait la porte qui se mettait
à clique tiquer avec sa sonnette d’antan.
Et tous les lundis, il répétait la même phrase :
« Ah, il ne faut pas trainer !
Après, je dois aller voir ma mère. »
Edouardo le regardait d’un œil moqueur et amusé,
ou agacé d’un œil méchant suivant l’humeur du jour.
Le docteur Raymond, essayait de s’assoir
dans les vieux fauteuils qu’Edouardo
avait soigneusement récupéré
au cinéma du Centre quand il avait été détruit
pour y faire un MacDo.
Et comme chaque lundi depuis 8 ou 10 ans,
il demandait à Edouardo :
« Mais, comment on peut s’assoir,
je ne trouve pas l’assise ? »
que l’humeur soit mauvaise ou bonne,
cette phrase entendu des milliers de fois
le mettait immédiatement
dans l’état d’une cocotte-minute.
Le cœur passait de ses 80 à probablement
150 pulsations par minute, il s’imaginait
prendre son coupe chou comme un sabre de Kung Fu
pour trancher d’un seul coup
la carotide du docteur Raymond
et voir enfin son sang gicler sur les murs de son salon
comme dans un film de Tarantino.
Enfin assis dans le strapontin,
le docteur Raymond, comme tous les lundis,
commença sa litanie sur tous les problèmes
de santé de sa mère âgée de 99 ans,
de la sclérose en plaque de sa femme,
sans oublier de décrire avec moult détails le cas du patient
le plus sordide et nauséabond
qu’il avait traité la semaine passée.
Immédiatement, Edouardo dégainait son sèche-cheveux
comme on manipule un revolver
pour enlever les résidus capillaires inexistants
du non moins imaginaire client précédent
puisque le docteur Raymond était le premier.
Le bruit du moteur de l’engin
couvrait ses paroles insoutenables.
Reprenant son esprit et son sourire de commerçant,
Edouardo l’invita à s’assoir,
la coupe pouvait commencer avec les ciseaux.
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